Il est nécessaire,
surtout à une époque de stress qui limite et programme l’amplitude de nos
réactions, d’apprendre à se relaxer si on veut pouvoir aborder ou supporter,
des situations de haute intensité émotionnelle.
La relaxation est donc un
travail indispensable à l’exercice du métier d’acteur.
C’est un travail qui est
forcément lié à la mémoire sensorielle (…) justement parce qu’il touche notre
corps et nos muscles ; or ce que le corps sait, la tête ne le sait pas toujours !
Quand l’acteur a trouvé la clé de sa mémoire sensorielle dans son corps, il
peut s’en servir quand il veut.
La confiance en soi vient
de l’accord entre l’expression et l’émotion ; c’est pourquoi il faut
apprendre à laisser aller dès le départ la voix et le corps ensemble, parce que
la voix est l’interface entre l’émotion et le corps physique. Seul cet accord
fait que l’acteur peut être vivant dans la situation, mais cet accord pour être
vivant et intéresser le public ne doit pas rester dans les zones
superficielles, ultra-sociabilisées du corps « service public ». La
relaxation permet de trouver un corps en deçà des interdits sociaux ou
personnels que l’on s’impose pour vivre avec une image acceptable de soi. Il
faut donc avoir conscience de son corps sans cependant le freiner, et accorder
sa force intérieure avec ses moyens d’expression. Il s’agit donc de travailler
le lien psychophysique qui « traverse » notre corps et de travailler
comme un musicien travaille son instrument, sauf qu’ici il s’agit d’apprendre à
jouer vrai, ce qui bien sûr provoque, au début, de la peur.
La relaxation sert à
savoir « où et quoi dans mon corps » ; quels freins émotionnels empêchent
la perception des impulsions et leur expression. On ne se relaxe pas pour se
relaxer mais pour restaurer un instrument d’expression. Il importe que l’acteur
devienne lui-même afin justement de pouvoir se transformer et devenir quelqu’un
d’autre. C’est en s’approfondissant et en se découvrant au plus près qu’on
trouve, qu’on peut comprendre des êtres très éloignés de soi et donc de les jouer.
Or la vie intérieure émotionnelle est toujours en mouvement, toujours fluide et
il est inutile de vouloir la fixer et l’attraper ; on ne peut l’exprimer
qu’au moment où elle se produit et comme elle se produit : travail subtil
et fin qui demande un corps disponible et souple.
Se relaxer c’est se
laisser aller, mais laisser aller les muscles est paradoxal ; on ne s’en
rend pas bien compte et c’est pour cela que c’est un véritable travail.
L’acteur doit apprendre dès le départ à utiliser ce travail en situation de
stress pour savoir exactement quels muscles retiennent ses émotions et empêchent
le corps de s’y « laisser aller ».
Il est évident qu’une
complète détente musculaire est une situation extrême, qui ne peut être admise
qu’au cours d’un exercice, car elle correspond à un état de relâchement des
muscles, incompatible avec l’activité scénique de l’acteur.
Il faut trouver la limite
entre la contraction et la relaxation complète, afin d’atteindre cet état
intermédiaire « neutre », où tout devient possible. La relaxation
devient alors la condition indispensable du déclenchement et du développement
de l’imagination.
La relaxation est à
travailler tous les jours parce que chaque jour amène son menu spécifique de
tensions et de crispations qu’il faut apprendre à relâcher. Si la relaxation
n’est pas travaillée, l’acteur ne peut devenir transitif vis-à-vis du public.
Le fait que la relaxation
s’attaque aux circuits de tensions et de blocages propres à chacun empêche
d’espérer une méthode de relaxation unique et définitive pour tous ; c’est
à chacun, en s’inspirant d’exercices proposés, d’effectuer son propre parcours
de relaxation : certains doivent bouger dans tous les sens, d’autres
rester immobiles dans une atmosphère de silence et de tranquillité.
Patrick Pezin
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