mercredi 4 mai 2016

Les voies de l'acteur - Patrick Pezin



 Les voies de l’acteur

Il est nécessaire, surtout à une époque de stress qui limite et programme l’amplitude de nos réactions, d’apprendre à se relaxer si on veut pouvoir aborder ou supporter, des situations de haute intensité émotionnelle.

La relaxation est donc un travail indispensable à l’exercice du métier d’acteur.

C’est un travail qui est forcément lié à la mémoire sensorielle (…) justement parce qu’il touche notre corps et nos muscles ; or ce que le corps sait, la tête ne le sait pas toujours ! Quand l’acteur a trouvé la clé de sa mémoire sensorielle dans son corps, il peut s’en servir quand il veut.

La confiance en soi vient de l’accord entre l’expression et l’émotion ; c’est pourquoi il faut apprendre à laisser aller dès le départ la voix et le corps ensemble, parce que la voix est l’interface entre l’émotion et le corps physique. Seul cet accord fait que l’acteur peut être vivant dans la situation, mais cet accord pour être vivant et intéresser le public ne doit pas rester dans les zones superficielles, ultra-sociabilisées du corps « service public ». La relaxation permet de trouver un corps en deçà des interdits sociaux ou personnels que l’on s’impose pour vivre avec une image acceptable de soi. Il faut donc avoir conscience de son corps sans cependant le freiner, et accorder sa force intérieure avec ses moyens d’expression. Il s’agit donc de travailler le lien psychophysique qui « traverse » notre corps et de travailler comme un musicien travaille son instrument, sauf qu’ici il s’agit d’apprendre à jouer vrai, ce qui bien sûr provoque, au début, de la peur.

La relaxation sert à savoir « où et quoi dans mon corps » ; quels freins émotionnels empêchent la perception des impulsions et leur expression. On ne se relaxe pas pour se relaxer mais pour restaurer un instrument d’expression. Il importe que l’acteur devienne lui-même afin justement de pouvoir se transformer et devenir quelqu’un d’autre. C’est en s’approfondissant et en se découvrant au plus près qu’on trouve, qu’on peut comprendre des êtres très éloignés de soi et donc de les jouer. Or la vie intérieure émotionnelle est toujours en mouvement, toujours fluide et il est inutile de vouloir la fixer et l’attraper ; on ne peut l’exprimer qu’au moment où elle se produit et comme elle se produit : travail subtil et fin qui demande un corps disponible et souple.

Se relaxer c’est se laisser aller, mais laisser aller les muscles est paradoxal ; on ne s’en rend pas bien compte et c’est pour cela que c’est un véritable travail. L’acteur doit apprendre dès le départ à utiliser ce travail en situation de stress pour savoir exactement quels muscles retiennent ses émotions et empêchent le corps de s’y « laisser aller ».

Il est évident qu’une complète détente musculaire est une situation extrême, qui ne peut être admise qu’au cours d’un exercice, car elle correspond à un état de relâchement des muscles, incompatible avec l’activité scénique de l’acteur.

Il faut trouver la limite entre la contraction et la relaxation complète, afin d’atteindre cet état intermédiaire « neutre », où tout devient possible. La relaxation devient alors la condition indispensable du déclenchement et du développement de l’imagination.

La relaxation est à travailler tous les jours parce que chaque jour amène son menu spécifique de tensions et de crispations qu’il faut apprendre à relâcher. Si la relaxation n’est pas travaillée, l’acteur ne peut devenir transitif vis-à-vis du public.

Le fait que la relaxation s’attaque aux circuits de tensions et de blocages propres à chacun empêche d’espérer une méthode de relaxation unique et définitive pour tous ; c’est à chacun, en s’inspirant d’exercices proposés, d’effectuer son propre parcours de relaxation : certains doivent bouger dans tous les sens, d’autres rester immobiles dans une atmosphère de silence et de tranquillité.

 Patrick Pezin

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